Je reviens du Japon où nous avons fêté
le Nouvel An avec ma belle-mère, âgée de 100 ans et 6 mois… Elle est, bien
sûr, la doyenne de la famille. Pour ne pas trop la fatiguer, tous ses enfants, petits-enfants
et arrière-petits-enfants ne sont pas venus ensemble le même jour. Certains
sont venus de France (nous), d’autres sont venus d’Angleterre (un de ses petits-fils,
avec sa femme et son fils), les autres des environs de Kamakura et de Tokyo.
La première chose que l’on fait en
arrivant à la maison, après avoir salué la maman, est de se rendre au zashiki, le salon en tatamis (qu’elle n’utilise
plus guère, préférant vivre dans sa petite salle à manger bien chauffée,
contiguë à sa chambre et à la cuisine) pour aller prier devant l’autel des ancêtres.
Autrefois, toutes les maisons
japonaises possédaient un autel dédié aux ancêtres. Le butsudan (estrade des bouddhas) est généralement placé bien en
évidence dans la pièce principale de la maison. On le voit toujours décoré de
fleurs. Logé dans un renfoncement, c’est un petit meuble fait en bois noir
laqué, destiné à recevoir les tablettes funéraires (ihai) sur lesquelles sont inscrits les noms posthumes (kaimyō) des défunts, noms dont le choix
et la calligraphie ont été confiés contre rétribution au clergé bouddhique, et
qui voisinent avec des représentations de bouddhas. Aujourd’hui, il est devenu
habituel d’y placer des photos des disparus.
En dehors même du Nouvel An et des
cérémonies formelles (traditionnellement le septième jour après la mort, puis
tous les sept jours jusqu’au quarante-neuvième, et le centième jour ;
ensuite viennent les commémorations annuelles (nenki) la première année, les troisième, septième, treizième et dix-septième
années après la mort, le jour anniversaire de celle-ci) le défunt est de la part de ses successeurs l’objet
d’un souci quotidien : on le réconforte et on l’apaise par des offrandes
de nourriture (boulettes de riz, gâteaux, clémentines) du saké et de l’encens. (1)
Nous nous sommes donc rendus un par un
devant l’autel des ancêtres pour faire brûler un bâtonnet d’encens devant le butsudan, surmonté d’une grande photo de
mon beau-père, décédé le 2 septembre 1982, il y a trente-deux ans. Après s’être
agenouillé sur un coussin, on joint les mains et on se recueille en souvenir du
papa, des grands-parents et des arrière-grands-parents en ligne directe. Puis
on frappe avec un petit bâton sur le bord d’une cloche en forme de coupelle
pour attirer l’attention des dieux. La dernière personne éteint la bougie qui a
servi à allumer l’encens en faisant vaciller la flamme de la main jusqu’à ce qu’elle
s’éteigne (il ne faut pas la souffler avec la bouche).
(1) Voir l'article de Patrick Beillevaire "Dieux et ancêtres dans l'espace villageois japonais" dans la revue scientifique Persée, sur Internet.
Merci pour ces informations relatives à une culture que nous ne connaissons pas suffisamment.
RépondreSupprimerMerci pour cet article, c'est passionnant de découvrir ainsi quelques aspects d'une culture qui m'est malheureusement étrangère
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