Pour récapituler la première partie de
mes recherches, je suis donc partie d’une légende familiale, comme nous en
avons presque tous dans nos familles, sachant
que ce genre d’histoire est vague et à prendre avec précaution.
Les moyens utilisés :
- les archives en ligne
- la piste des collatéraux
- les recensements en ligne
- Geneanet
- Des visites sur place aux archives :
- Archives
de Paris (le Bottin)
- Archives
diplomatiques de la Courneuve
- Papiers de famille.
Tout cela m’a permis d’avancer, et
j’ai commencé à comprendre un peu mieux cette histoire. Armand Granday, devenu
cuisinier, a eu l’idée, je ne sais comment, d’aller aux Etats-Unis. J’ai un
grand trou dans son « curriculum vitae » à partir de la naissance de
son fils Octave Charles Armand Granday. Je note au passage que l’enfant est né le
15 mai 1861, deux mois après le mariage de ses parents, le 16 mars de la même
année... Il naît chez son grand-père Christophe Désiré Granday, qui fait la
déclaration à la mairie. Le père (Armand Granday) et la mère (Charlotte Beaton)
sont domiciliés à Paris, 18 rue de la Michodière. Les années suivantes, je ne
trouve aucune trace de la petite Agnès, vue dans les recensements de 1866 avec
son frère Octave à Pontault-Combault, chez leurs grands-parents. Où est-elle
née ?
En 1872, Octave Granday, 10 ans, vit à
Verneuil-l’Etang chez sa tante Hermine Léonie Granday et sa grand-mère Hermine
Gandouin. Où sont ses parents ? Et sa sœur ?
J’ai fait quelques recherches sur
Internet, et j’ai trouvé l’histoire des « Turtle Kraals ». Ce mot
qui vient de l’africano-hollandais signifie « corral » ou
« crawls » en anglais, dans le sens d’un lieu où l’on rassemble et
enferme les poissons. C’est là qu’on conservait les tortues vertes vivantes avant
de les exporter dans le monde sous forme de mets recherchés en conserves. La
première usine de conserves de soupe à la tortue a commencé en 1849 à Key West
(Floride) et fonctionné avec un certain succès jusqu’en 1890, lorsqu’un
restaurateur nommé Armand Granday
ouvre sa propre usine, et domine rapidement le marché.
Continuant de chercher sur Internet,
j’ai trouvé un article dans un journal local de Norberg Thompson sur « l’industrie
de la tortue et son développement à Key West ». D’après lui, l’industrie a
réellement commencé avec l’arrivée d’Armand Granday. C’est Mr. Jules Webber, de
New York, qui a poussé Mr. Granday à aller à Key West afin de voir ce qu’on
pourrait faire comme cuisine avec de la tortue. Mr. Granday a fait des recherches
pendant plusieurs années et finalement il a réussi à mettre au point sa fameuse
recette qui est devenue extrêmement populaire. Ensuite, il a commencé à la
fabriquer et à la mettre en conserve. Pendant 10 ans, il a dirigé l’usine qu’il
avait construite, puis il l’a vendue à Mr.
Louis Mouton, qui l’a dirigée jusqu’à sa mort.
J’en reviens donc à ma famille !
Louis Marie Mouton est le fils d’Hermine Victorine Léonie Granday (la sœur
d’Armand Granday, vous me suivez ?) et de Nicolas Marie Mouton. Ils
étaient trois frères : Marie Nicolas (dit Léon), mon arrière-grand-père,
Louis Marie et Charles Alexandre. Ce sont donc les neveux d’Armand Granday qui
sont partis aux Etats-Unis. Mon arrière-grand-père (et surtout mon
arrière-grand-mère Anna) ont refusé d’y aller. Reprenant les lettres scannées
par ma petite-cousine de Montpellier, je vois sur le papier à en-tête en 1903
les deux noms : A. Granday et L. Mouton. Louis est donc l’associé de son
oncle. Il écrit à sa belle-sœur Anna (mon arrière-grand-mère), et lui raconte
qu’il travaille 12 à 14 heures par jour au milieu de la vapeur par 38 à 40°.
Charles travaille aussi avec lui. Armand Granday voyage en Amérique du sud pour
les approvisionner en tortues. Louis est marié et a une fille, Leona. Sa femme
s’appelle Georgina. Je cherche son nom et l’acte de mariage dans les tables
décennales dans différentes villes de Seine et Marne. Je n’ai pas
d’indices. On se marie généralement dans la commune de résidence de la
jeune fille, mais dans cette famille on déménage souvent ! Enfin, à
l’issue d’une battue presque désespérée, je trouve l’acte de mariage de
Louis Mouton avec Georgina Verlot, institutrice à Fontenay-Trésigny le 5 mars
1896. Charles Mouton, lui, a épousé Juliette Ladouet le 30 janvier 1901 à
Pontault-Combault.
Une lettre de Louis Mouton |
En quelle année sont-ils allés
rejoindre leur oncle à Key West ? Probablement après leur mariage. La
première lettre que je possède est de 1903. Il faudrait trouver la liste des
passagers des bateaux pour avoir la date exacte. Je cherche sur Internet
et je trouve le site d’Ellis Island. Le 15 octobre 1904, arrivée du SS La
Lorraine (parti du Havre le 8 octobre ; le voyage durait une semaine) avec
à bord : Louis Mouton, 32 ans, cuisinier, citoyen américain, Georgina
Mouton, 31 ans, sa femme, citoyenne américaine, Léona Mouton, 8 ans, leur
fille, née aux Etats-Unis et Georges Verlot, 20 ans. Ils reviennent chez eux à
Key West. Ils ont donc dû venir en 1896, après leur mariage, puisque leur fille
a 8 ans. CQFD.
Le 19 juin 1905, arrivée du bateau le
SS La Bretagne avec à bord Armand Granday, 72 ans, marié, citoyen américain,
commerçant. Il retourne chez lui à Key West. Mais cela ne me dit pas quand il y
est arrivé la première fois !
Sur Google, j’ai tapé Louis
Mouton et je suis arrivée sur le site du Mel Fischer museum à Key West. Il y
avait une photo représentant une famille avec un commentaire : « les
Pomerleau, en visite à Key West, sont les descendants d’Armand Granday et de
Louis Mouton, qui ont fondé en 1890 la compagnie A. Granday Canning Co. ».
Qui étaient les Pomerleau ? Je sentais que j’étais sur une piste, mais
comment remonter cette piste ?
J’ai repris les lettres de Key West. Les
affaires marchent bien. Louis raconte qu’une fabrique de glace vient d’être
créée. Il en est le premier actionnaire, vice-président et trésorier. Après
d’intéressantes évocations sur leur vie et les événements locaux (Louis
écrivait très bien), de 1903 à 1908, les lettres cessent brusquement.
La lettre suivante, datée du 1er
mai 1910, est de Charles, il parle de la mort de son frère Louis, mais sans
préciser. D’ailleurs toutes les lettres ne nous sont pas parvenues. Que
s’est-il passé ? Crise cardiaque ? Accident ? Louis n’avait que
37 ans.
Suivent plusieurs lettres de Charles
et de Georgina (qui se fait appeler Georgiana, à l’américaine). Il y a des
disputes au sujet de l’héritage. Les deux belles-sœurs se détestent. Apparemment,
ils comptent tous rester aux Etats-Unis. Charles et Juliette (qui se fait
appeler Julia) ont eu un fils, Charles Jr., vers 1904. Leona serait née,
d’après mes estimations, fin 1896. Je ne sais pas comment trouver leur acte de
naissance.
Jusqu’ici, j’avais pratiqué une
généalogie gratuite ou presque (sauf mon abonnement à Geneanet). Mais
maintenant, je commençais à bloquer sérieusement sur mes ancêtres américains.
Je ne voyais pas comment m’en sortir. J’avais le choix entre aller consulter
des documents dans un centre des Mormons (il y en a un à
Nogent-sur-Marne, où j’habite) ou m’inscrire sur un site payant. C’était
le 4 septembre 2014. Je me suis inscrite à Genealogy Bank ($ 55 –
environ 43 €). Et aussitôt, j’ai trouvé une foule de résultats d’après des
articles de journaux ! Encouragée
par ces premiers succès, je me suis inscrite sur Ancestry.fr. C’était
encore beaucoup mieux ! Mes recherches ont fait un bond en avant.
J’avais tellement d’éléments que je me
suis trouvée débordée. Par où commencer ? Ma curiosité me poussait vers
Leona Mouton. Dans une lettre du 17 mai 1913, Charles écrivait que Georgina se
préparait à marier sa fille à un millionnaire. Quelle histoire ! Qui donc
avait-elle épousé ? J’ai trouvé la réponse sur Genealogy Bank :
dans le journal « Miami Herald » (Miami, FL) du Jeudi 26 juin 1919 cet
article : « Key West, 25 juin. Annonce du mariage de Melle Leona
Marie Mouton à M. Louis T. Pomerleau, de Buffalo. Le mariage a eu lieu jeudi
(donc le 19 juin 1919). La mariée est la fille de Mme Georgiana Mouton, dont le
mari a fondé la compagnie Consumers Ice & Cold Storage ici. Elles ont vécu
ici jusqu’à il y a quelques années. M. Mouton est mort il y a plusieurs
années ». Et voilà ! Était-ce le fameux millionnaire dont parlait
Georgina ? En tout cas, j’avais trouvé le mari de Léona. Et cela
m’expliquait aussi la photo des Pomerleau, descendants de Louis Mouton, au Mel
Fisher Museum. CQFD.
Il me restait encore pas mal de
travail pour compléter la saga des Granday, mais j’avais franchi un obstacle
majeur. J’étais soulagée. C’est alors que j’ai reçu un message d’un
généalogiste amateur qui avait lu mon blog, Pierre-Louis Laude. Le généathème
de ce mois est « l’entraide » ou « une épine généalgique ».
Ce lecteur de mon blog, intéressé par mes recherches au Japon, et curieux de
l’histoire d’Armand Granday, m’envoyait divers renseignements qui me manquaient
(par exemple la copie du certificat de naturalisation d’Armand Granday, avec la
date et sa signature, la liste des passagers du Normandie arrivant à New York
en 1885, la succession de Charlotte Granday et sa date de décès, etc.). Puis ce
généalogiste m’a envoyé de nombreux liens pour me permettre de retrouver les
renseignements qu’il m’avait envoyés et d’autres encore.
C’était beaucoup plus que de
l’entraide ! C’était une leçon concrète pour apprendre à chercher dans les
bases de données sur Internet. Fils d’un généalogiste passionné, Pierre-Louis
« est tombé dans la marmite quand il était tout petit ». Je l’ai bien
compris. C’était le professeur qu’il me fallait. Alors, un très grand merci,
Pierre-Louis, pour tout ce que tu m’as appris.
Bravo pour cette persévérance à décrypter une légende familiale qui, finalement, correspondait à une réalité. Tes ancêtres ne craignaient pas l'aventure et tu es leur digne descendante, puisque tu n'as pas craint de t'aventurer, comme eux, loin de l'Europe…
RépondreSupprimerBravo Nicole ! Quelles recherches !
RépondreSupprimerBon courage pour la suite !