Il y a cinq ans, quand j’ai commencé
ma généalogie (en janvier 2010), mon père était encore vivant et il me
racontait, par bribes, des anecdotes ou souvenirs. A plusieurs reprises, il
m’avait parlé de parents qui avaient émigré aux Etats-Unis. J’ai essayé de
l’interroger. Il m’a dit que « C’était
la famille Granday. Ils sont partis aux Etats-Unis pour fabriquer de la
« soupe à la tortue ». Ils voulaient que le père et le grand-père
Mouton aillent les rejoindre, ainsi que l’oncle Alfred. Mais ils n’ont pas
voulu y aller ».
Cette histoire originale a piqué ma
curiosité, mais j’avais peu d’indices. Mon arrière-arrière-grand-père Nicolas
Mouton avait épousé Hermine Victorine Léonie Granday. C’est donc de ce côté-là
que j’ai commencé à chercher.
D’après les Archives
départementales de la Seine et Marne (en ligne) Hermine Granday est la
fille de Christophe Désiré Granday et de Hermine Gandoin (ou Gandouin). Elle
est née le 20 octobre 1831 à Fontenay (qui n’était pas encore fusionnée avec
Trésigny), Seine et Marne. Deux ans plus tard naît Désiré Armand Granday, le 17
septembre 1833, également à Fontenay. En 1835, le 17 août, naît Désiré Granday,
qui est mort à l’âge de 11 jours.
J’ai essayé de suivre la ligne de vie
de Nicolas Mouton et d’Hermine Granday, mais j’ai très vite buté sur ce couple
dont je ne trouvais même pas la date du mariage. Alors, je me suis tournée vers
la famille Granday (il faut toujours essayer de se faire aider par les
collatéraux). La tâche s’est révélée beaucoup plus difficile que je ne le
pensais. En 1840, Christophe Désiré Granday est témoin au mariage de son frère
cadet Victor Prudent Désiré Granday (remarque : dans cette famille, tous
les garçons portent le prénom de Désiré. Faut-il y attacher un sens
particulier ?). Il a quitté Fontenay et habite à Aubepierre, où il est
charretier.
Je me suis alors attaquée aux recensements.
J’ai fait une battue, un travail long et fastidieux quand on n’a pas d’éléments
précis, ce qui était mon cas. Cette famille avait la bougeote (alors que
d’autres ancêtres dans mon arbre n’ont jamais quitté leur village). Mais c’est
ainsi que j’ai découvert en 1856 à Fontenailles (Seine et Marne) Armand
Granday, garçon de cuisine, 23 ans, au château de Bois Boudran. Ainsi, il était
apprenti-cuisinier ! Mieux encore, poursuivant mes recherches, j’ai trouvé
à Roissy (canton de Tournan) Nicolas Mouton, 32 ans, charron, chef de ménage. Il
était marié, mais vivait seul. Qui était sa femme ? Était-ce déjà Hermine
Granday, ou une autre femme d’un premier mariage ? Avait-il divorcé ou sa
première femme était-elle morte ? Beaucoup de questions sans réponses.
Puis grâce à Geneanet, j’ai
trouvé un arbre généalogique très complet de la famille Granday. C’est ce
cousin (puisque nous sommes tous les deux descendants de la branche de
Christophe Désiré Granday) qui m’a mis sur la piste des Granday partis aux
Etats-Unis faire de la soupe à la tortue. C’était en effet lui, le frère d’Hermine,
Désiré Armand Granday, cuisinier et commerçant. Grâce aux renseignements
trouvés sur Geneanet, j’ai pu reconstituer un morceau de sa vie.
Il épouse en 1861, à l’âge de 22 ans,
une jeune Anglaise originaire de Southampton, rencontrée à Paris. Le couple a
un garçon, Octave Charles Armand Granday, né à Fosses (Val d’Oise), puis une
fille Agnès, dont je n’arrive pas à trouver l’acte de naissance. D’après l’acte
de mariage d’Armand Granday, ses parents demeurent à Survilliers et sont
marchands de vins. Je suis à nouveau allée consulter sur internet les
recensements, en 1861, cette fois-ci dans le Val d’Oise (95). A Survilliers,
519 habitants, pas de Granday, mais à Fosses, 176 habitants, bingo ! Je
trouve sous le même toit :
Granday Léonie, marchande de vin, 29
ans, Granday Christophe, son père, 60 ans, marchand de vin, Gandoin Hermine, sa
femme, 48 ans, et Maître Jules Alfred, garçon de salle. Adresse : station
du chemin de fer. Dans le recensement suivant, en 1866, hélas ils ne sont plus
là.
En 1866 (recensement), je retrouve les
deux enfants à Pontault-Combault (Seine et Marne). Ils vivent chez leurs
grands-parents Christophe Granday, 60 ans, manouvrier, chef de ménage, et
Hermine Granday (née Gandoin) sa femme, 53 ans. Où sont donc les parents ?
Et où est Hermine Victorine Léonie Granday ?
Je me suis rendue aux Archives de
Paris, boulevard Sérurier, pour consulter le Bottin de Paris. Après avoir
appris comment installer les microfilms dans le lecteur, j’ai trouvé de 1854 à
1861 un certain Granday (pas de prénom, malheureusement) limonadier au 280 rue
Saint-Martin. Était-ce mon homme ? Comment le savoir ? C’était une
possibilité car lors de son mariage il habitait 18, rue de la Michodière. Pourtant,
il se déclarait cuisinier, et non limonadier. Alors, quelqu’un de sa famille ?
Puisqu’il était parti aux Etats-Unis,
j’ai pensé que je retrouverais sa trace aux Archives diplomatiques de la
Courneuve. Mais là non plus, pas de chance. Il n’est pas immatriculé au
consulat de France en Floride. Vérification par ordinateur sur les archives
diplomatiques de Nantes. Rien non plus. L’archiviste me dit qu’il semblerait qu’Armand
Granday ait pris la nationalité américaine. Il faudrait contacter l’ambassade
des Etats-Unis à Paris, ou prendre un généalogiste professionnel. Cette
remarque m’a piquée à vif. Non, je ne voulais pas payer un généalogiste pour
faire des recherches à ma place ! Je voulais continuer toute seule !
C’était en février 2014. J’ai fait le
point sur ce que je savais, un tableau récapitulatif qu’on pourrait appeler la « ligne
de vie » de cet ancêtre voyageur. Parlant de mes recherches à une
petite-cousine (sa mère était la cousine germaine de mon père), elle m’a dit qu’elle
avait retrouvé des papiers de famille contenant des lettres qu’elle
allait scanner et m’envoyer. Cela a pris quelque temps, mais j’ai reçu un
véritable trésor. Mon enquête a fait un bond. Les lettres étaient sur du papier
à en-tête de la société « A. Granday & Co. Canner of
Green Turtle, Florida Lobster and all kinds of sea food », Key West,
Florida. Ne croyez
pourtant pas que j’étais au bout de mes peines. Mais je quittais pour un moment
le monde froid des archives et des recensements pour me plonger dans la vraie vie
de mes ancêtres. Je vous raconterai la suite une prochaine fois.
Armand Granday garçon de cuisine en 1856 au château de Bois-Boudran : voilà un nom qui fait tilt ! Sais-tu que ce château avait été acquis par la famille Greffulhe au début du XIXe siècle pour en faire un rendez-vous de chasse ? et qu'il allait plus tard être le théâtre de certaines réceptions mondaines de la comtesse Greffulhe, qui inspira si fort Marcel Proust ?
RépondreSupprimerJe viens justement d'achever un livre sur le sujet, intitulé 'La Comtesse Greffulhe, l'ombre des Guermantes" ; je pourrai te le prêter si tu veux.
C'est incroyable ! Merci pour cette information que j'ignorais totalement. Pourras-tu me prêter ton livre à l'occasion ? C'est aussi ça, l'entraide généalogique...
SupprimerPour information, un site Internet est consacré à la présentation de cet ouvrage (articles de presse, émissions, actualités, liens web, photos, etc.)
Supprimerhttp://www.comtessegreffulhe.fr/