Alors que j’envisageais de me lancer
dans la lecture un peu fastidieuse des recensements, un jour, coup de théâtre,
ma mère me raconte un souvenir qui lui était revenu à la mémoire. La grand-mère
Anna (mon arrière-grand-mère, la femme de Marie Nicolas Mouton, dit Léon) lui avait dit à plusieurs reprises : « On ne devrait pas s’appeler Mouton,
mais Naud ». Pourquoi ? Voilà qui changeait tout. Et qui était le
mystérieux Monsieur Naud ?
Quelques semaines plus tard, mon père
me fournit un nouvel indice. Il se souvenait du « père Naud » (sans
jeu de mots), qui était marié avec « la vieille Blanche ». Ils
avaient une maison à Pontault-Combault et il était allé les voir, quand il
était petit, avec sa grand-mère Anna. J’avais donc une nouvelle piste…
Cependant, j’hésitais à aborder les
gros registres de recensements, qui me faisaient un peu peur. J’ai commencé par
chercher dans les tables décennales l’acte de mariage de Nicolas Marie Mouton
avec Hermine Victorine Léonie Granday. Cet acte était introuvable ! Ni
dans la commune de naissance d’Hermine (Fontenay-Trésigny), ni à
Verneuil-l’Etang, où sont nés ses enfants, ni à Pontault-Combault, dont m’avait
parlé mon père. Où et quand ces deux-là s’étaient-ils bien mariés ?
A la naissance de mon
arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton (dit Léon), en 1870, sa mère avait 39
ans. Était-ce vraiment son premier enfant ? Était-ce son premier
mariage ? Autant de questions sans réponse.
J’ai donc fini par me résoudre à
consulter les recensements. Les gens sont recensés par canton et, à l’intérieur
de chaque canton, par ville ou village. Les noms n’étaient pas par ordre
alphabétique. Il fallait lire toutes les pages, ligne par ligne, rue par rue.
Cela m’a pris beaucoup de temps. Certains soirs, j’en avais mal aux yeux, à
force de lire les noms sur l’écran de mon ordinateur. La première personne que
j’ai trouvée, en 1841, dans le canton du Châtelet, c’est mon
arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie Mouton (18 ans) chez ses parents, dans
son village natal des Ecrennes. Le village comptait 364 habitants. Mais en
1846, lors du recensement suivant, Nicolas n’était plus là. Il avait dû partir
au service militaire. Le service durait 7 ans, à l’époque, si on ne pouvait pas
se faire remplacer.
A la même époque (en 1846), dans le
canton de Mormant, vivait chez ses parents, à Aubepierre, Hermine Victorine
Léonie Granday (15 ans) et son frère Armand (13 ans). Où, quand et comment
Nicolas et Hermine s’étaient-ils rencontrés ?
Grâce à l'indice fourni par mon père, j'ai regardé à Pontault-Combault, canton de
Tournan. En 1846, j’y ai trouvé plusieurs familles NAU. Était-ce dans l'une de ces familles que vivait l’« ami » d’Hermine Granday ?
En 1851, à Aubepierre, Hermine (20 ans)
n’habitait plus chez ses parents. Son frère Armand (18 ans) non plus. Où
étaient-ils ? Où les chercher ?
Soudain, j’ai eu une idée un peu
farfelue. Sautant 40 ans, j’ai cherché dans les recensements de 1891 et – ô surprise !
– j’ai trouvé à Pontault-Combault, rue du Château-Gaillard, une étrange
famille :
![]() |
Recensement de 1891 à Pontault-Combault, canton de Tournan (Seine et Marne) |
Nau Louis, 49 ans, journalier, chef de
ménage
Granday Léonie, 49 ans, couturière,
épouse
Mouton Léon, 21 ans, maçon, fils de
l’épouse
Mouton Louis, 19 ans, domestique, fils
de l’épouse
Mouton Charles, 17 ans, jardinier,
fils de l’épouse
Granday Hermine, 78 ans, sans
profession, aïeule
Voilà ! Ils étaient tous
là ! Il y avait cependant quelques erreurs. Léonie (Hermine Victorine)
n’avait pas 49 ans, mais 59 ans. Et on appelait déjà Marie Nicolas de son
surnom « Léon ». Mais le mystérieux compagnon d’Hermine était bien Louis
Nau !
Procédant à reculons, j’ai retrouvé la
famille Nau en 1886 à Pontault-Combault. Cette fois, Louis Nau avait carrément
déclaré les enfants comme les siens :
Nau Jean-Baptiste [1]
43 ans, manouvrier, chef de ménage
Granday Léonie, 53 ans, couturière,
son épouse
Nau Léon Octave[2]
16 ans, leur fils
Nau Louis Marie, 14 ans, leur fils
Nau Charles, 12 ans, leur fils
Granday Hermine, 73 ans, aïeule.
En 1881, à Pontault-Combault :
Nau Louis Jean Baptiste, 39 ans,
manouvrier
Granday Léonie Victorine, 50 ans,
manouvrière
Nau Louis Marie, 10 ans
Nau Charles Alexandre, 8 ans
Tiens ? le fils aîné Marie
Nicolas Léon Octave n’était pas là ?
En 1876, ils n’habitaient pas encore à
Pontault-Combault. C’est à Verneuil-l’Etang, canton de Mormant, rue de Pecqueux,
que commence l’histoire…
Granday Louise Victorine, femme
Mouton, journalière, 44 ans, née à Fontenay
Mouton Marie Nicolas, son fils, 6 ans,
né à Verneuil
Mouton Louis Marie, son fils, 4 ans
Mouton
Charles Alexandre, son fils, 2 ans
Neau[3]
Louis, manouvrier, 33 ans, né à Pontault (Seine et Marne).
Je suis donc revenue en 1881 à
Verneuil-l’Etang et j’y ai retrouvé mon arrière-grand-père. Il habitait avec sa
grand-mère :
Gandouin Hermine, 68 ans
Granday Léon, 11 ans, le petit-fils.
Alors, qui est le père des enfants ?
Jusqu’ici, je voulais croire que Marie
Nicolas, vu son prénom, était probablement le fils de Nicolas Marie Mouton, le
mari d’Hermine Victorine Léonie Granday. La coutume voulait qu’on donne au fils
aîné le même prénom que son père. Mais après avoir lu tous ces recensements,
avec les changements de nom successifs de mon arrière-grand-père, et surtout en
me rappelant la réflexion de mon arrière-grand-mère Anna à ma mère : « On
ne devrait pas s’appeler Mouton, mais Naud », je dois me résigner à
conclure que j’ai suivi une fausse piste. Par le sang, nous ne sommes pas des
Mouton, mais d’après la loi, Hermine n’étant pas divorcée ni veuve, ses enfants
étaient automatiquement réputés nés de son mari. Louis Nau, même s’il était réellement le père,
ne pouvait pas en réclamer la paternité. Le second enfant, qui se prénomme
Louis, vient corroborer cette thèse.
Il reste encore plusieurs questions sans réponse. La date et le lieu de mariage de Nicolas Mouton et d'Hermine Granday (elle, c'est sûr, c'est bien mon arrière-arrière-grand-mère !). Etait-ce un deuxième mariage ? Qu'est devenu Nicolas Mouton ? La saga continue.
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