Ma mère vient de mourir, le 25 juillet
dernier, à l’âge de 95 ans. C’est ce qui m’a décidée à ouvrir mon blog. J’y
pensais depuis quelque temps déjà, mais j’avais autre chose à faire : ma mère souffrait d'une insuffisance cardiaque. Sa santé devenait de plus en plus fragile (elle était tombée
plusieurs fois et s’était récemment cassé le col du fémur). A chacune de mes
visites, je lui parlais de mes recherches généalogiques et de la famille, pour
éveiller ses souvenirs. Elle avait une bonne mémoire et me parlait volontiers
d’Un Tel ou Un Tel, me racontait des anecdotes, et je notais soigneusement dans un carnet. Je me disais toujours :
- La prochaine fois, je lui demanderai
ceci ou cela.
Il n’y aura pas de prochaine fois.
Plus jamais. Ces mots me font mal. Son absence a créé en moi un grand vide. Mon
père était mort il y a trois ans. Ma mère était la doyenne de la famille. Comme
je suis fille unique, c’est à moi qu’il revient d’écrire tous ces souvenirs.
J’avais entrepris, après la lecture de l’excellent livre d’Hélène Soula[1],
la rédaction de l’histoire de ma famille. Mais, consacrant beaucoup de temps à
ma mère (visites, démarches administratives et coups de téléphone quotidiens),
je n’avais finalement plus rien écrit depuis l’été 2013. Et quand on n’écrit
pas, la plume se rouille !
Ma mère : en attendant bébé (collection personnelle)
Ma mère ne faisait pas de généalogie.
Pourtant, j’ai retrouvé dans ses affaires des petits carnets qui sont une mine
d’or. Elle notait au jour le jour les événements marquants dans le monde, les anniversaires de toutes sortes, les mariages et décès des
célébrités, etc. Sur deux autres petits carnets, à vocation nettement plus généalogique, ma mère écrivait les lieux et dates de naissance et de décès
(quand elle les connaissait) des personnes de la famille, mais aussi des
voisins et amis, du Pape et des personnalités (surtout nobles) dont on parlait
à la radio ou dans la revue « Point de vue et images du monde ». Elle
faisait du « scrapbooking » sans le savoir, découpant des photos qu’elle
arrangeait dans des albums de format carte postale. J’en ai retrouvé une bonne
vingtaine, classés par thème. C’est touchant.
Dépouiller tous les petits carnets de
ma mère sera long et émouvant. Cela remue en moi toutes sortes de
souvenirs enfouis. J’ai l’impression que ma mère est encore là, près de moi, à
me parler de toutes ces personnes, comme lorsque j’allais la voir à la maison
de retraite, ces dernières années. Les informations se succèdent sans aucun
ordre. Je lui disais toujours de faire des fiches, une par personne, pour qu’on
s’y retrouve. Elle n’a pas eu le courage de s’y mettre. Elle se plaignait
souvent d’être fatiguée, les derniers temps. Il faudra donc que je le fasse à
sa place. Je n’exclus pas d’y découvrir des trésors !
Ma mère avait aussi effectué des recherches pour retrouver une cousine qu'elle avait perdue de vue. Toutes les étapes de l'enquête (lettres envoyées à des mairies, à quelle date, coups de téléphone passés et les réponses obtenues (ou non) sont réunies dans une enveloppe. C'est incroyable ! La persévérance paye : ma mère a retrouvé sa cousine à Valentignay, dans le Doubs, et elles ont correspondu pendant quelques années. Dans ses lettres, ma mère fait pour sa cousine un résumé de la vie de notre famille restée dans la région parisienne. Une aubaine pour moi !
Mes parents m’ont laissé également
leurs livres de comptes, un par an depuis l’année de leur mariage, en 1942, dans lequel
ma mère notait intégralement, au jour le jour, tout ce qu’elle achetait. Mon
père faisait les récapitulations mensuelles, une récapitulation annuelle, et
des statistiques sur leur consommation par poste (alimentation, habillement,
transports, loisirs, etc.). Je peux donc savoir le prix, en 1943, d’un litre de
lait, d’un pain, d’un journal, d’un carnet d’autobus, d’un kilo de sucre, le
salaire de mon père et même la facture de gaz ! Je n’ai pas encore eu le
temps de les regarder en détail. Je n’ai fait que les feuilleter. Au fil des
années, après ma naissance, les livres de comptes se sont enrichis de notes sur
notre vie de famille : une maladie, une naissance, un accident, etc.
C’était un journal intime sans commentaires, pas une oeuvre littéraire.
J’ai retrouvé aussi des lettres,
beaucoup de lettres. Lettres d’amour quand ils étaient fiancés, mais aussi des lettres plus prosaïques. Mes parents ont été séparés
à cause de la guerre, et dans leurs lettres ils évoquent (avec prudence) l’un
la zone libre, l’autre la zone occupée. Je leur suis vraiment reconnaissante de
les avoir gardées ! Ce sont de précieux témoignages. Ma grand-mère
maternelle, au contraire, n’aimait pas s’encombrer de papiers. Les lettres de mon grand-père, elle les a brûlées ; les souvenirs, elle les a jetés ! Dommage…
C'est peut-être la raison pour laquelle je me passionne pour la généalogie. En psycho-généalogie, on dirait que c'est une activité de "réparation". J'ai toujours adoré faire des puzzles. Celui que j'ai entrepris, qui représente ma famille, est le plus gros et le plus difficile que j'aie jamais tenté de réaliser. Il dépasse certainement les 1000 pièces. Et il n'y a pas de modèle sur la boîte !
C'est peut-être la raison pour laquelle je me passionne pour la généalogie. En psycho-généalogie, on dirait que c'est une activité de "réparation". J'ai toujours adoré faire des puzzles. Celui que j'ai entrepris, qui représente ma famille, est le plus gros et le plus difficile que j'aie jamais tenté de réaliser. Il dépasse certainement les 1000 pièces. Et il n'y a pas de modèle sur la boîte !
Je comprends l'émotion que tu ressens, à quelques semaines à peine du décès de ta mère, à feuilleter et évoquer tous les documents que tes parents ont laissé derrière eux. Pour ma part, j'ai mis plusieurs années avant de rouvrir les cartons où j'avais entassé à la hâte les "papiers de famille" après la mort de mon père.
RépondreSupprimerQuant à l'idée du puzzle sans modèle sur la boîte… j'avais justement l'intention de faire un papier sur le sujet dans les semaines qui viennent !
"ont laissés", bien sûr ! Honte à moi pour l'accord du participe passé avec le verbe avoir !
RépondreSupprimerJe suis désolée de t'avoir "piqué" ton idée du puzzle sans modèle sur la boîte... Mais tu trouveras bien autre chose à dire !
RépondreSupprimerQuel billet attachant. Que de documents passionnants, cela promet des heures de belles recherches
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