Ces derniers
temps, cessant de faire l’abeille, je me suis plongée dans un gros registre du
village de Prémont en Cambrésis (dans l’Aisne), berceau d’une branche de ma
famille maternelle. Nous sommes en 1785. Prémont est un bourg de 1400 âmes. Je
regarde tous les actes un à un, en cherchant les noms de mes ancêtres. Les
actes de baptême et d’inhumation sont assez courts. Seuls, les actes de
mariage, qui fournissent les noms des parents des deux futurs époux et citent
au moins quatre témoins, sont un peu plus longs à lire.
Soudain, au
détour d’une page, je tombe sur un acte de naissance inhabituellement long. Ce
n’est pas un acte de baptême ordinaire.
Le 5
septembre 1785, le curé, Jacques François Locquet, est appelé en urgence au
château de Prémont pour ondoyer un nouveau-né, une fille, à cause du péril de
mort. L’enfant est née du légitime mariage de Messire Pierre Hubert de Sart,
chevalier, seigneur de Nielles et autres lieux, lieutenant du roy des provinces
de Flandres, Hainaut, capitaine au régiment de Duffort Dragon et de Dame Marie
Antoinette Charlotte Josephe de Sart, son épouse. Les témoins sont :
Charles François de Sart, chevalier, seigneur de Prémont, Elincourt, Villers
Guillain, pair de Cambresis, ayeul maternel de l’enfant, de Messire Louis
Charles Ignace Van Cappel de la Nieppe, député de la noblesse du Cambrésis et
d’Ambroise Domail, chirurgien juré demeurant à Bohain aussi de ce diocèse, qui
a certifié de la nécessité du baptême. Toutes les personnes présentes ont
signé.
Voilà du
beau monde ! Contrairement à beaucoup de mes ancêtres illettrés, les
châtelains étaient instruits. Après un petit coup d’œil sur internet pour connaître
l’histoire du château de Prémont, j’apprends qu’il y avait d’abord une forteresse importante, détenue
par le seigneur Gilles de Prémont, qui a été détruite en 1553 par les troupes
d’Henri II. Un second château, construit par Nicolas Le Sart vers 1620 l’a
remplacée. La terre de Prémont appartenait toujours à la famille Le Sart au
moment de la Révolution. Mais finalement, le château-fort, qui possédait quatre
tours rondes, a été détruit en 1794.
J’essaye d’imaginer le village à cette époque, en me basant sur d’autres châteaux de ce type qui ont été reconstruits ou restaurés, comme Blandy-les-Tours, en Seine et Marne (du côté de ma famille paternelle). L’église Saint-Germain, dans laquelle officiait le curé Locquet, a été entièrement détruite en 1918, mais elle a été reconstruite en 1920.
J’essaye d’imaginer le village à cette époque, en me basant sur d’autres châteaux de ce type qui ont été reconstruits ou restaurés, comme Blandy-les-Tours, en Seine et Marne (du côté de ma famille paternelle). L’église Saint-Germain, dans laquelle officiait le curé Locquet, a été entièrement détruite en 1918, mais elle a été reconstruite en 1920.
L'église Saint Germain de Prémont |
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pr%C3%A9mont_(Aisne)_%C3%A9glise.JPG#/media/File:Pr%C3%A9mont_(Aisne)_%C3%A9glise.JPG
En outre, une rue qui porte le nom de « La
Maladrerie » indique qu’il y avait à cet emplacement un hôpital.
Je ne sais
pas si la petite fille née au château, qui n’avait pas encore reçu de nom de baptême,
a survécu. Il faudra que je feuillette à nouveau le registre, maintenant que je
connais le début de son histoire. Mais j’ai trouvé à Prémont autour de la même
période deux actes d’inhumation qui révèlent le danger que représentait alors
un accouchement à la maison. Voici en résumé ces deux actes :
Le 2 février
1785, a été inhumé le corps de Marie Anne Josephe de Vaillÿ, décédée d’hier,
âgée d’environ 19 ans, épouse de Charles François Quennesson, mulquinier. Et le
2 février également a été inhumé le corps d’un garçon né et décédé le même
jour, après avoir été ondoyé dans l’incertitude de vie par Michel Crinon,
chirurgien de cette paroisse (…) fils de Charles François Quennesson, mulquinier
et de Marie Anne Josephe Devaillÿ, ses père et mère. Pauvre Marie Anne
Josephe ! Son premier accouchement lui a été fatal ! Ce Charles
François Quennesson est mon sosa 110. Il n’a pas tardé à se remarier, le 6
septembre de la même année, avec Marie Rose Célestine Piette, fileuse, qui lui
a donné au moins trois enfants !
J’ouvre une
petite parenthèse sur l’origine du nom de famille « Quennesson ». D’après
Geneanet, c’est un nom d’origine germanique formé par suffixation à partir de
Cuene (= brave). Moi, j’aurais cru qu’il venait de « canasson » qu’on
dit d’un mauvais cheval ! Je préfère évidemment l’étymologie proposée par
Geneanet, encore qu’elle me semble un peu tirée par les cheveux…
Je reviens à
Prémont. Le curé termine chaque année son registre en rappelant qu’il a bien
publié tous les trois mois au prône de la messe paroissiale l’édit du roi Henri
II de février 1556.
« Je soussigné prêtre curé de la
paroisse de Saint Germain de prémont en cambrésis, diocese de noÿon certifie
avoir publié au prône de notre messe paroissiale l’édit du roi henri second de
1556 le dimanche qui a precedé les quatres temps de chaque saison de cette
presente année à Prémont ce trentunieme jour du mois de decembre l’an mil sept
cents quatre vingt quatre ».
BnF Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8620797t |
De quoi
s’agissait-il donc ? J’ai été voir sur internet et j’ai
découvert des informations surprenantes à propos du fameux édit du roi Henry II
sur le blog de Fred « GénéaBlogique » http://geneablogique.blogspot.fr/2011/12/ledit-du-roi-henri-ii.html
Cet édit vise
les femmes qui, ayant celé leur grossesse et leur accouchement, ont laissé
périr leurs enfants sans leur avoir fait donner le sacrement de baptême ni une
sépulture coutumière des chrétiens. Le roi insiste sur la gravité du crime d’infanticide
(homicide). Les sanctions envers les mères reconnues coupables sont très
radicales : ces femmes encourent la peine de mort !
"statué et ordonné, et par édit perpétuel,
loi générale et irrévocable, de notre propre mouvement, pleine puissance et
autorité royale, disons, statuons, voulons, ordonnons et nous plaît, que toute
femme qui se trouvera deuement atteinte et convaincue d'avoir celé, couvert et
occulté, tant sa grossesse que son enfantement, sans avoir déclaré l'un ou l'autre,
et avoir prins de l'un ou de l'autre témoignage suffisant, même de la vie ou
mort de son enfant, lors de l'issue de son ventre, et qu'après se trouve
l'Enfant avoir esté privé tant du saint sacrement de baptême, que sépulture
publique et accoutumée, soit telle femme tenue et réputée d'avoir homicide son
Enfant. Et pour réparation, punie de mort et dernier supplice"
L’Eglise
toute-puissante n’était pas tendre avec les pauvres femmes naïves qui se
trouvaient enceintes hors mariage et ne pouvaient pas garder et élever seules leur
enfant. La peine de mort a été abolie, mais la sévérité des juges (majoritairement masculins) vis-à-vis des femmes enceintes qui souhaitaient se débarrasser d'un enfant non désiré ne s'est pas affaiblie. Cette situation a perduré des siècles, jusqu’à la loi de Simone Veil du
17 janvier 1975 légalisant en France l’interruption volontaire de grossesse. Certains
voudraient même revenir sur ce droit, qui d’ailleurs n’est pas acquis dans bien
des pays du monde.