Mon ardeur généalogique des premiers temps s’était un peu essoufflée dernièrement. Je pataugeais parmi des ancêtres voyageurs peu coopératifs (de mon point de vue) et je ne savais plus très bien où j'en étais dans mes recherches. Alors, suivant le conseil maintes fois répété par mon père : « Il faut changer ses préoccupations en occupations », je me suis attelée à la tâche rébarbative (et douloureuse) de trier les cartons rapportés de la maison de mes défunts parents.
Mes chers parents avaient
conservé une foule de choses inutiles (je suis, comme eux, de ces gens qui aiment garder tout ce qui
pourrait peut-être servir un jour, ou qui adorent collectionner tout ce qui se
collectionne, depuis les timbres, les cartes postales, les lettres, les photos,
jusqu’aux bouchons de liège des bouteilles de vin et aux capsules qui coiffent
les bouchons de champagne). Quand j’ai eu fini de trier le premier carton, il
ne restait plus que des petits carnets, remplis de noms et de dates, de l’écriture
de ma mère, et des papiers épars.
J’ai jeté un
coup d’œil sur les petits papiers. Mes parents ne faisaient pas de la
généalogie au sens strict du terme. Mais ils en faisaient tout de même, sans le
savoir. Sur un morceau de papier de récupération (mes parents étaient des
modèles d’économie et pratiquaient la lutte contre le gaspillage d’une manière
vertueuse), mon père avait tracé au crayon un tableau sur lequel il avait
inscrit, de dix en dix, les années de 1840 à
1940. Puis il avait représenté en regard, d’un trait
plus gras, la durée de vie de plusieurs membres de la famille : grand-père François et Maman Maria (sa femme), oncle Georges et tante Marie, papa François et oncle Edouard. Le tableau n’était qu’une ébauche,
mais il montrait bien la période durant laquelle ces personnes avaient vécu
simultanément (mais pas tous dans le même lieu). C’est une véritable « frise
chronologique » telle que l’on nous montre dans le dernier numéro
spécial de la revue française de généalogie (la généalogie d'Hervé) ! Je n’ai plus qu’à continuer
le tableau. Merci, Papa !
Sur un autre
petit carton (provenant d’une boîte de sucre ou de biscuits), ma mère avait
noté, de son écriture régulière et penchée de bonne élève : Etreillers,
mariage d’Yvonne, d’un côté (recto), et de l’autre (verso) : Vivaise, le pays de Georgette
et de son père Baptiste. C’était beaucoup plus sibyllin.
J’ai ouvert
ma généalogie sur Heredis et j’ai cherché Yvonne François. En effet, elle s’était
bien mariée à Etreillers, le 29 octobre 1927 avec Louis Henri Joseph Fiévé. J’ai
noté au passage que je n’ai pas leur acte de mariage, car c’est une date trop
récente.
J’ai cherché
ensuite dans ma généalogie Georgette François. Surprise ! Il y en a deux. La
première, née en 1887 à Saint-Quentin, est décédée en 1891, âgée de 3 ans et 8
mois. Ce n’est donc pas d’elle que parlait ma mère. La seconde, Georgette
Blanche, née en 1893 à Saint-Quentin, pourrait bien être un « enfant de
remplacement », à qui on aurait donné le même prénom que sa sœur défunte. Mais
en tout état de cause, leur père ne s’appelle pas Baptiste. Il s’appelle Louis
Xavier Victor François. Ce sont des sœurs de mon grand-père (une étonnante
famille de 16 enfants dont seulement cinq ont atteint l’âge adulte : oncle
Georges, l’aîné, oncle Louis, tante Jeanne, Marcel Alfred, mon grand-père, et l’oncle
Edouard, le dernier enfant). Et encore, l’oncle Louis est mort pour la France en
1914 au Four de Paris (Argonne) âgé de 33 ans et papa d’une petite fille. Il n'en est donc plus resté que quatre (cela fait penser aux "Dix petits nègres" d'Agatha Christie !). C’est
en regardant à nouveau attentivement cette fratrie que j’ai repéré une chose :
Edouard, le dernier enfant, a épousé sa cousine Georgette Hamet, qui est donc
devenue Georgette François. Laquelle Georgette est née à Vivaise, et est la
fille de Jean-Baptiste Hamet, dit Baptiste. CQFD. J’ai poussé un soupir de
soulagement, avec l’impression d’avoir reçu un petit coup de pouce de ma mère, depuis
l’au-delà.
C'est toujours difficile d'explorer les cartons où l'on a rangé toutes sortes de papiers en vidant un appartement ou une maison de famille. Pour ma part, j'ai mis plusieurs années avant de me décider ! Mais il y a souvent de bonnes surprises, une fois la sérénité retrouvée.
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