jeudi 12 février 2015

Le tri des papiers



Je ne parle pas ici du « tri sélectif » - horrible pléonasme – qu’on nous demande d’effectuer pour nos ordures ménagères. Je veux parler du tri des papiers de famille qui seront les archives de demain.

À la mort de mes parents, j’ai hérité d’une tonne de papiers de toutes sortes. Mes parents ne jetaient jamais rien. Ils amassaient, entassaient, empilaient les papiers, soigneusement, et quand il y en avait trop, on les montait au grenier. Quand j’ai dû vider leur maison, cela a été un déchirement. Je ne pouvais pas tout emporter dans mon petit appartement dèjà bien rempli (car j’ai hérité de la même fâcheuse tendance à tout garder).

Certaines personnes, au contraire, jettent facilement et sans états d’âme les papiers dès qu’ils sont périmés ou utilisés. Et puis, un jour, ils s’aperçoivent qu’ils n’ont plus un document important datant de plus de vingt ans. C’est ainsi qu’un collègue de mon père, très gêné, est venu lui demander de lui prêter ses papiers. Il devait produire un relevé de carrière à la caisse de retraite et n’avait rien gardé. Grâce aux papiers de mon père (ils avaient fait une carrière similaire), il a pu reconstituer toute sa carrière. Il était sauvé ! Mon père a eu le triomphe modeste, néanmoins il n’a pas manqué de raconter cette histoire plusieurs fois à la maison.

Alors, il faudrait tout garder ? Comment savoir maintenant ce qui est important et ce qui ne l’est pas ? Très subjectif, tout ça !



J’ai donc commencé, le cœur gros, presque quatre ans après la disparition de mon père, à trier ses papiers. J’y ai trouvé des incontournables, comme son livret militaire (que je n’avais jamais vu), ses anciennes cartes d’identité, ses cartes d’électeur, sa carte vermeille, etc. Les cartes d’identité sont précieuses. Elles ont l’avantage de comporter les nom, prénoms, profession de l’interessé(e), sa signature et surtout une photo, ce qui permet, si on possède plusieurs cartes d’identité, de voir une personne aux différents âges de sa vie ! Les anciennes cartes d’identité donnaient également le signalement physique complet (taille, cheveux, moustache, yeux, nez, forme du visage, teint, et signes particuliers). Elles montraient également les empreintes digitales des deux index.

J’ai trouvé d’autres choses intéressantes, comme le brevet de mécanicien d’avion de l’armée de l’air de mon père, obtenu en 1939 avec la note de 18/20, son certificat de présence au corps en juin 1940 (rappelé à l’activité) dans le bataillon de l’air 153 de la 4ème compagnie à Toulouse, son certificat de démobilisation en octobre 1940 avec rappel de sa dernière affectation et un étonnant Certificat de moralité et d’aptitude, décerné en 1941 par les Chantiers de la jeunesse, auxquels étaient envoyés pendant la guerre les jeunes démobilisés. Mon père a fait preuve de grandes qualités morales : idéal élevé, esprit d’initiative bon, loyauté bonne-irréprochable, et de bonnes aptitudes intellectuelles : intelligence grande, instruction générale assez développée, diplômes CEP. En revanche, ses aptitudes physiques ont été jugées médiocres : athlétisme faible, marche moyen, résistance à la fatigue assez résistant. Ces qualificatifs brossent bien, dans l’ensemble, le portrait de mon père, intelligent mais pas sportif, aimant la marche, sans forcer. Je lui ressemble. 



Puis, sur un petit carnet offert par l’Union, compagnie d’assurances sur la vie humaine, fondée en 1829, établie à Paris 9, place Vendôme (dont la couverture est illustrée d’un dessin de la colonne Vendôme et du bâtiment de l’Union) je déchiffre des notes manuscrites de mon père, envoyé en Allemagne au titre du STO en 1943 : les adresses de ses copains, éparpillés dans différentes villes du pays, et la date des lettres qu’il écrivait à ma mère (ils venaient de se marier quand il a été envoyé en Allemagne) à sa famille et à ses amis (il n’y avait pas de téléphone portable, à l’époque !! alors on écrivait beaucoup) : c’était le seul moyen de communication. En feuilletant ce petit carnet (vraiment petit), je retrouve avec émotion le nom et l’adresse de l’usine dans laquelle il travaillait : Wilhelm Sasse, Maschinen-Fabrik, Berlin-Spandau, 9-11 Seebürgerstrasse. J’y découvre également le matricule d’un grand-oncle fait prisonnier en Allemagne, ce qui me permettra peut-être de le retrouver sur Mémoire des Hommes.

Mon père a gardé aussi les timbres de l’impôt sur les vélocipèdes de 1944 à 1948. Malheureusement, le prix n’y figure pas.



Je n’ai pas fini de dépouiller tous mes papiers de famille, loin de là, mais je suis reconnaissante à mon père d’avoir gardé tous ces papiers qui me permettront de reconstituer toute son histoire, particulièrement au moment de la guerre. Il m’avait raconté bien des fois ses souvenirs, mais j’avais écouté distraitement et je n’avais rien noté. Il en sera de même avec les générations qui suivront la nôtre. Quand nous ne serons plus là, nos descendants seront intéressés par ce que nous avons vécu aujourd’hui. N’oublions pas de leur laisser des traces.



2 commentaires:

  1. Explorer et exploiter les papiers de famille... C'est l'un des charmes de la généalogie ! Une façon aussi de faire le lien entre histoire familiale et histoire tout court.

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  2. Je suis complètement d'accord de garder le maximum de papiers, et surtout d'en garder pour les générations futures. Par contre, je pense qu'il est aussi très important d'en parler à tout l'entourage, car quelquefois des papiers disparaissent tout simplement parce que les personnes n'ont pas vu l'intérêt de garder ces papiers qu'elles ne jugent plus utiles (exemple les papiers d'un conjoint décédé).

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