jeudi 11 décembre 2014

Des débuts semés d'embûches (2)

Alors que j’envisageais de me lancer dans la lecture un peu fastidieuse des recensements, un jour, coup de théâtre, ma mère me raconte un souvenir qui lui était revenu à la mémoire. La grand-mère Anna (mon arrière-grand-mère, la femme de Marie Nicolas Mouton, dit Léon) lui avait dit à plusieurs reprises : « On ne devrait pas s’appeler Mouton, mais Naud ». Pourquoi ? Voilà qui changeait tout. Et qui était le mystérieux Monsieur Naud ?

Quelques semaines plus tard, mon père me fournit un nouvel indice. Il se souvenait du « père Naud » (sans jeu de mots), qui était marié avec « la vieille Blanche ». Ils avaient une maison à Pontault-Combault et il était allé les voir, quand il était petit, avec sa grand-mère Anna. J’avais donc une nouvelle piste…

Cependant, j’hésitais à aborder les gros registres de recensements, qui me faisaient un peu peur. J’ai commencé par chercher dans les tables décennales l’acte de mariage de Nicolas Marie Mouton avec Hermine Victorine Léonie Granday. Cet acte était introuvable ! Ni dans la commune de naissance d’Hermine (Fontenay-Trésigny), ni à Verneuil-l’Etang, où sont nés ses enfants, ni à Pontault-Combault, dont m’avait parlé mon père. Où et quand ces deux-là s’étaient-ils bien mariés ?

A la naissance de mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton (dit Léon), en 1870, sa mère avait 39 ans. Était-ce vraiment son premier enfant ? Était-ce son premier mariage ? Autant de questions sans réponse.

J’ai donc fini par me résoudre à consulter les recensements. Les gens sont recensés par canton et, à l’intérieur de chaque canton, par ville ou village. Les noms n’étaient pas par ordre alphabétique. Il fallait lire toutes les pages, ligne par ligne, rue par rue. Cela m’a pris beaucoup de temps. Certains soirs, j’en avais mal aux yeux, à force de lire les noms sur l’écran de mon ordinateur. La première personne que j’ai trouvée, en 1841, dans le canton du Châtelet, c’est mon arrière-arrière-grand-père Nicolas Marie Mouton (18 ans) chez ses parents, dans son village natal des Ecrennes. Le village comptait 364 habitants. Mais en 1846, lors du recensement suivant, Nicolas n’était plus là. Il avait dû partir au service militaire. Le service durait 7 ans, à l’époque, si on ne pouvait pas se faire remplacer.

A la même époque (en 1846), dans le canton de Mormant, vivait chez ses parents, à Aubepierre, Hermine Victorine Léonie Granday (15 ans) et son frère Armand (13 ans). Où, quand et comment Nicolas et Hermine s’étaient-ils rencontrés ?

Grâce à l'indice fourni par mon père, j'ai regardé à Pontault-Combault, canton de Tournan. En 1846, j’y ai trouvé plusieurs familles NAU. Était-ce dans l'une de ces familles que vivait l’« ami » d’Hermine Granday ?

En 1851, à Aubepierre, Hermine (20 ans) n’habitait plus chez ses parents. Son frère Armand (18 ans) non plus. Où étaient-ils ? Où les chercher ?

Soudain, j’ai eu une idée un peu farfelue. Sautant 40 ans, j’ai cherché dans les recensements de 1891 et – ô surprise ! – j’ai trouvé à Pontault-Combault, rue du Château-Gaillard, une étrange famille :

Recensement de 1891 à Pontault-Combault, canton de Tournan
(Seine et Marne)

Nau Louis, 49 ans, journalier, chef de ménage
Granday Léonie, 49 ans, couturière, épouse
Mouton Léon, 21 ans, maçon, fils de l’épouse
Mouton Louis, 19 ans, domestique, fils de l’épouse
Mouton Charles, 17 ans, jardinier, fils de l’épouse
Granday Hermine, 78 ans, sans profession, aïeule

Voilà ! Ils étaient tous là ! Il y avait cependant quelques erreurs. Léonie (Hermine Victorine) n’avait pas 49 ans, mais 59 ans. Et on appelait déjà Marie Nicolas de son surnom « Léon ». Mais le mystérieux compagnon d’Hermine était bien Louis Nau !

Procédant à reculons, j’ai retrouvé la famille Nau en 1886 à Pontault-Combault. Cette fois, Louis Nau avait carrément déclaré les enfants comme les siens :
Nau Jean-Baptiste [1] 43 ans, manouvrier, chef de ménage
Granday Léonie, 53 ans, couturière, son épouse
Nau Léon Octave[2] 16 ans, leur fils
Nau Louis Marie, 14 ans, leur fils
Nau Charles, 12 ans, leur fils
Granday Hermine, 73 ans, aïeule.

En 1881, à Pontault-Combault :
Nau Louis Jean Baptiste, 39 ans, manouvrier
Granday Léonie Victorine, 50 ans, manouvrière
Nau Louis Marie, 10 ans
Nau Charles Alexandre, 8 ans
Tiens ? le fils aîné Marie Nicolas Léon Octave n’était pas là ?

En 1876, ils n’habitaient pas encore à Pontault-Combault. C’est à Verneuil-l’Etang, canton de Mormant, rue de Pecqueux, que commence l’histoire…
Granday Louise Victorine, femme Mouton, journalière, 44 ans, née à Fontenay
Mouton Marie Nicolas, son fils, 6 ans, né à Verneuil
Mouton Louis Marie, son fils, 4 ans
Mouton  Charles Alexandre, son fils, 2 ans
Neau[3] Louis, manouvrier, 33 ans, né à Pontault (Seine et Marne).

Je suis donc revenue en 1881 à Verneuil-l’Etang et j’y ai retrouvé mon arrière-grand-père. Il habitait avec sa grand-mère :
Gandouin Hermine, 68 ans
Granday Léon, 11 ans, le petit-fils.

Alors, qui est le père des enfants ?

Jusqu’ici, je voulais croire que Marie Nicolas, vu son prénom, était probablement le fils de Nicolas Marie Mouton, le mari d’Hermine Victorine Léonie Granday. La coutume voulait qu’on donne au fils aîné le même prénom que son père. Mais après avoir lu tous ces recensements, avec les changements de nom successifs de mon arrière-grand-père, et surtout en me rappelant la réflexion de mon arrière-grand-mère Anna à ma mère : « On ne devrait pas s’appeler Mouton, mais Naud », je dois me résigner à conclure que j’ai suivi une fausse piste. Par le sang, nous ne sommes pas des Mouton, mais d’après la loi, Hermine n’étant pas divorcée ni veuve, ses enfants étaient automatiquement réputés nés de son mari. Louis Nau, même s’il était réellement le père, ne pouvait pas en réclamer la paternité. Le second enfant, qui se prénomme Louis, vient corroborer cette thèse.

Il reste encore plusieurs questions sans réponse. La date et le lieu de mariage de Nicolas Mouton et d'Hermine Granday (elle, c'est sûr, c'est bien mon arrière-arrière-grand-mère !). Etait-ce un deuxième mariage ? Qu'est devenu Nicolas Mouton ? La saga continue. 






[1] J’ai vérifié : il s’appelait Louis Jean Baptiste Nau.
[2] C’est mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton ! Il fallait le savoir !
[3] Ce n’est pas une faute. L’orthographe de son nom variait suivant le scribe.

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