jeudi 7 avril 2016

Une aide providentielle



Mon ardeur généalogique des premiers temps s’était un peu essoufflée dernièrement. Je pataugeais parmi des ancêtres voyageurs peu coopératifs (de mon point de vue) et je ne savais plus très bien où j'en étais dans mes recherches. Alors, suivant le conseil maintes fois répété par mon père : « Il faut changer ses préoccupations en occupations », je me suis attelée à la tâche rébarbative (et douloureuse) de trier les cartons rapportés de la maison de mes défunts parents.

Mes chers parents avaient conservé une foule de choses inutiles (je suis, comme eux, de ces gens qui aiment garder tout ce qui pourrait peut-être servir un jour, ou qui adorent collectionner tout ce qui se collectionne, depuis les timbres, les cartes postales, les lettres, les photos, jusqu’aux bouchons de liège des bouteilles de vin et aux capsules qui coiffent les bouchons de champagne). Quand j’ai eu fini de trier le premier carton, il ne restait plus que des petits carnets, remplis de noms et de dates, de l’écriture de ma mère, et des papiers épars.

J’ai jeté un coup d’œil sur les petits papiers. Mes parents ne faisaient pas de la généalogie au sens strict du terme. Mais ils en faisaient tout de même, sans le savoir. Sur un morceau de papier de récupération (mes parents étaient des modèles d’économie et pratiquaient la lutte contre le gaspillage d’une manière vertueuse), mon père avait tracé au crayon un tableau sur lequel il avait inscrit, de dix en dix, les années de 1840 à 1940. Puis il avait représenté en regard, d’un trait plus gras, la durée de vie de plusieurs membres de la famille : grand-père François et Maman Maria (sa femme), oncle Georges et tante Marie, papa François et oncle Edouard. Le tableau n’était qu’une ébauche, mais il montrait bien la période durant laquelle ces personnes avaient vécu simultanément (mais pas tous dans le même lieu). C’est une véritable « frise chronologique » telle que l’on nous montre dans le dernier numéro spécial de la revue française de généalogie (la généalogie d'Hervé) ! Je n’ai plus qu’à continuer le tableau. Merci, Papa !



Sur un autre petit carton (provenant d’une boîte de sucre ou de biscuits), ma mère avait noté, de son écriture régulière et penchée de bonne élève : Etreillers, mariage d’Yvonne, d’un côté (recto), et de l’autre (verso) : Vivaise, le pays de Georgette et de son père Baptiste. C’était beaucoup plus sibyllin.



J’ai ouvert ma généalogie sur Heredis et j’ai cherché Yvonne François. En effet, elle s’était bien mariée à Etreillers, le 29 octobre 1927 avec Louis Henri Joseph Fiévé. J’ai noté au passage que je n’ai pas leur acte de mariage, car c’est une date trop récente.

J’ai cherché ensuite dans ma généalogie Georgette François. Surprise ! Il y en a deux. La première, née en 1887 à Saint-Quentin, est décédée en 1891, âgée de 3 ans et 8 mois. Ce n’est donc pas d’elle que parlait ma mère. La seconde, Georgette Blanche, née en 1893 à Saint-Quentin, pourrait bien être un « enfant de remplacement », à qui on aurait donné le même prénom que sa sœur défunte. Mais en tout état de cause, leur père ne s’appelle pas Baptiste. Il s’appelle Louis Xavier Victor François. Ce sont des sœurs de mon grand-père (une étonnante famille de 16 enfants dont seulement cinq ont atteint l’âge adulte : oncle Georges, l’aîné, oncle Louis, tante Jeanne, Marcel Alfred, mon grand-père, et l’oncle Edouard, le dernier enfant). Et encore, l’oncle Louis est mort pour la France en 1914 au Four de Paris (Argonne) âgé de 33 ans et papa d’une petite fille. Il n'en est donc plus resté que quatre (cela fait penser aux "Dix petits nègres" d'Agatha Christie !). C’est en regardant à nouveau attentivement cette fratrie que j’ai repéré une chose : Edouard, le dernier enfant, a épousé sa cousine Georgette Hamet, qui est donc devenue Georgette François. Laquelle Georgette est née à Vivaise, et est la fille de Jean-Baptiste Hamet, dit Baptiste. CQFD. J’ai poussé un soupir de soulagement, avec l’impression d’avoir reçu un petit coup de pouce de ma mère, depuis l’au-delà.