jeudi 30 octobre 2014

Une photo de famille

J’ai trouvé dans mes archives une photo datée de 1920, que j’aime tout particulièrement.



Cette photo a été prise, apparemment, dans le jardin familial. A l’époque, mes grands-parents et mes arrière-grands-parents vivaient ensemble dans une grande maison au 28, rue de la Prévoyance à Noisy-le-Grand (autrefois Seine-et-Oise, maintenant Seine-Saint-Denis et peut-être dans un avenir proche PARIS !). C’est mon arrière-grand-père qui avait construit la maison (avec l'aide d'amis, je suppose). En effet, il était mâçon.
Cette maison, j’en ai retrouvé la description, datée du samedi 31 octobre 1931, dans un cahier d’écolier de mon père, qui avait 12 ans. C’est assez émouvant. Le sujet de la rédaction était : « Il y a chez vous une pièce que vous préférez aux autres. Décrivez-la. Vous vous y tenez de préférence : pourquoi ? ». Mon père a écrit :
« En entrant dans la rue de la Prévoyance à partir de la route nationale, à notre droite c’est l’usine de caoutchouc, à la gauche une ferme puis une maison avec une grille cachée par la vigne vierge. Cette maison assez grande est celle de mes parents et grands-parents. Elle est composée de huit grandes pièces. Elle est en parpaings et recouverte de tuiles.
Les huit pièces de la maison ne sont pas toutes à mes parents, qui n’ont que les quatre du premier étage. Les quatre du rez-de-chaussée appartiennent à mes grands-parents. De nos quatre pièces, je préfère la salle à manger orientée au soleil levant.
Elle est tapissée d’un papier dont le dessin est composé de fruits variés. J’aime à y prendre les repas, au soleil, l’été, la fenêtre ouverte, respirant l’air pur du dehors. La salle à manger est vraiment la pièce que je préfère : embaumée aux heures des repas par des mets odorants ».
Mais revenons à ma photo. On avait sorti, pour la circonstance, un canapé qu’on a placé devant le mur. On aperçoit sur le sol quelques plantes et un arrosoir en fer-blanc. 
Assise sur ce canapé, à gauche, c’est mon arrière-grand-mère Henriette Anna Garnier, 46 ans, (avec un sourire rayonnant), tenant dans ses bras, en robe de baptême, le petit Marcel André Mouton, mon père, 9 mois. Elle porte une jolie robe noire (elle était une habile couturière) avec des chaussures blanches à lacets qui m’étonnent. C’était une femme pratique, elle avait dû choisir le confort. À droite, sur le canapé, est assise ma grand-mère Henriette Marie Châtelain, 24 ans, élégante dans sa longue robe noire (elle était couturière elle aussi) avec des chaussures noires assorties. Elle tient dans ses bras sa fille Argentine Anna, 9 mois, également en robe blanche, plus menue que son frère jumeau. L’expression sur le visage de ma grand-mère est ambiguë, le léger sourire retenu.
Debout derrière elles, de gauche à droite, on voit mon arrière-grand-père Marie Nicolas Mouton (dit Léon), 50 ans, qui arbore un air satisfait derrière sa grosse moustache, puis Pierre Châtelain, 14 ans, le jeune frère de ma grand-mère, et André Léon Mouton, 24 ans, mon grand-père. Le jeune papa ne sourit pas. La naissance de jumeaux (prématurés) avait dû être un choc pour les parents. Il n'y avait pas de couveuses à l'époque. Les bébés étaient si petits que le docteur, venu à la maison pour l’accouchement, avait déclaré à la mère :
- Vous ne les élèverez pas.
Mais la grand-mère des jumeaux ne le voyait pas de cet œil. Elle a rétorqué :
- Comment ça ? Mais si, on les élèvera !
Ce « on » signifiait qu’elle prenait sa part dans le pari. Et en effet, la grand-mère Anna, qui habitait avec son mari dans la même maison que le jeune couple, et qui n’avait encore que 46 ans, a secondé sa bru, un peu débordée par les deux enfants, et s’est attachée aux petits. Ma grand-mère Henriette, qui rêvait d’avoir une fille, était comblée avec sa petite Argentine. Alors, mon arrière-grand-mère Anna, de son côté, s’est consacrée au petit garçon. Mon père est devenu un peu son « chouchou ». Elle l’emmenait promener avec elle dans la famille à Pontault-Combault ou à Provins. Comme mon père montrait de l’intérêt pour la musique, elle lui a payé un violon et des cours de violon. Sa sœur Argentine était douce et timide, toujours « dans les jupes » de sa maman. La musique ne l’intéressait pas spécialement. Elle préférait la cuisine et la couture.
Cependant, les jumeaux fragiles ont atteint tous les deux l’âge adulte, et fondé une famille, grâce à l’énergie de mon arrière-grand-mère Anna ! Ma tante Argentine, malheureusement, est décédée d’une leucémie à l’âge de 38 ans, en laissant trois jeunes enfants, mais mon père a vécu jusqu’à 91 ans !

jeudi 23 octobre 2014

Histoire de la Madelon

La chanson "Quand Madelon", version anglaise

Tout le monde connaît cette chanson. Mon père la chantait. Je viens d’en découvrir l’origine par hasard en regardant dans le guide du Routard « Banlieues de Paris » à la ville de Fontenay-sous-Bois (Val de Marne).

Cette célèbre Madelon, serveuse dans une taverne, possède une singulière histoire. La chanson fut créée en 1914 par le chanteur Bach (Charles-Joseph Pasquier) au café-concert l’Eldorado à Paris. Les paroles de la chanson sont de Louis Bousquet (1870-1941), et la musique de Camille Robert  (1872-1957).




Camille Robert 1932, par Agence de presse Mondial Photo-Presse (BnF)


En 1913, Bach passe commande au compositeur et au parolier « d’une chanson cocardière renouvelée », mais la chanson rencontre peu de succès lors de sa création. En août 1914, Sioul, un soldat qui était présent à la création de Quand Madelon... à l’Eldorado, mobilisé comme artilleur et cantonné à l’école Jules-Ferry de Fontenay-sous-Bois, chante cette chanson à ses camarades. Celle-ci obtient un véritable succès. Les canonniers la diffusent. Les paroles se refilent de garnison en garnison pour donner du courage aux hommes partant au combat. Le chant est fréquemment interprété par des comiques troupiers, très prisés durant la Première Guerre Mondiale, les Tourlourous. La musique de la chanson est une marche de fanfare, sur laquelle Louis Bousquet écrivit un texte gai. « La Madelon » devient rapidement un chant militaire.

Paroles
Pour le repos, le plaisir du militaire,
Il est là-bas à deux pas de la forêt
Une maison aux murs tout couverts de lierre
« Aux Tourlourous » c'est le nom du cabaret.
La servante est jeune et gentille,
Légère comme un papillon.
Comme son vin son œil pétille,
Nous l'appelons la Madelon
Nous en rêvons la nuit, nous y pensons le jour,
Ce n'est que Madelon mais pour nous c'est l'amour

Refrain :
Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon
La Madelon pour nous n'est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c'est tout le mal qu'elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !

Nous avons tous au pays une payse
Qui nous attend et que l'on épousera
Mais elle est loin, bien trop loin pour qu'on lui dise
Ce qu'on fera quand la classe rentrera
En comptant les jours on soupire
Et quand le temps nous semble long
Tout ce qu'on ne peut pas lui dire
On va le dire à Madelon
On l'embrasse dans les coins. Elle dit « veux-tu finir… »
On s'figure que c'est l'autre, ça nous fait bien plaisir.

Refrain

Un caporal en képi de fantaisie
S'en fut trouver Madelon un beau matin
Et, fou d'amour, lui dit qu'elle était jolie
Et qu'il venait pour lui demander sa main
La Madelon, pas bête, en somme,
Lui répondit en souriant :
Et pourquoi prendrais-je un seul homme
Quand j'aime tout un régiment ?
Tes amis vont venir. Tu n'auras pas ma main
J'en ai bien trop besoin pour leur verser du vin

Refrain


Le sujet traité, la misère sexuelle du soldat, son sentiment de séparation, et les remèdes proposés, le vin et la servante peu farouche, n’ont rien pour surprendre. Au fond, tout est dit dans le refrain, dont les strophes ne sont qu’une illustration, le texte en son entier n’étant à son tour qu’une illustration d’une musique destinée à rendre supportable la situation du soldat. La femme n'a aucune individualité morale ou physique, puisqu'on « s'figure que c’est l'autre » quand on la touche. Le décor esquissé (à deux pas de la forêt) évoque les sorties du dimanche pour les citadins et rappelle ce « pays » où attend « une payse » qui « nous épousera ». La France de ce texte est bien celle du xixe siècle finissant, un pays qui reste peu urbanisé. L'ambiance générale, une France rurale et provinciale, un antiféminisme instinctif, des amours passagères avant un mariage peut-être arrangé, le vin et une sociabilité masculine de taverne, permettent de comprendre la ténacité de l'armée française durant la Première Guerre mondiale. (d’après Wikipedia)

En 1921, une plaque est apposée sur la façade de l’école de Fontenay-sous-Bois, indiquant : « La Madelon est partie d’ici en août 1914 pour faire le tour du monde ». Depuis lors, la commune de Fontenay-sous-Bois organise chaque année au printemps les fêtes de la Madelon. L’élection de la Madelon a lieu en mars, mais les fêtes s’étalent sur une semaine et deux week-ends fin mai-début juin.


jeudi 16 octobre 2014

Portrait d'un poilu (2) : mon grand-père maternel

Mon grand-père maternel, Marcel Alfred François, est né dans une famille très modeste le 17 mars 1890 à Oëstres (prononcer « ouatte »), dans la banlieue de Saint Quentin (Aisne). Il était le dixième enfant (mais pas le dernier !) de Louis Xavier Victor François, domestique, et de Maria Eugénie Marie Rose Hamet, son épouse. Des neuf enfants l’ayant précédé n’ont survécu que Georges, Louis et Jeanne, sa grande sœur, d’un an son aînée. Sur l’ensemble de cette impressionnante fratrie de seize enfants, seuls six enfants ont atteint l’âge adulte. Comment expliquer tous ces enfants morts en bas âge ? J’imagine que la mère, enceinte chaque année, n’avait pas assez de lait pour nourrir convenablement  ses bébés. A l’époque, le lait en poudre et les petits pots Guigoz n’existaient pas.

À l’âge de 18 ans, en 1908, mon grand-père a eu un chagrin d’amour. Il était fiancé à une jeune fille qui est morte prématurément. Inconsolable, il a devancé l’appel et s’est engagé dans l’armée. Sur sa fiche matricule, j’ai retrouvé en détail tout le déroulement de sa carrière militaire, dont il ne parlait jamais. Tout au plus avais-je entendu dire qu’il avait servi dans les dragons. Maintenant, je peux reconstituer un peu mieux toute cette partie de la vie de mon grand-père, comme une pièce de théâtre (dramatique) en plusieurs actes.

Premier Acte.
Marcel Alfred François mesurait 1m 65 et avait un degré d’instruction générale de 2 (niveau du certificat d’études, je crois). Engagé volontaire pour 4 ans le 20 mai 1910, à la mairie de Saint Quentin, il rejoint le 13ème régiment de dragons et arrive au corps comme cavalier de 2ème classe le 23 mai 1910. Il passe au 11ème régiment de dragons en 1912, puis au 7ème escadron du train des équipages le 24 septembre 1912. Il part pour Marseille le 29 septembre et s’embarque le 1er octobre à destination de Casablanca. Il est affecté à la 13ème brigade du 17ème escadron du train.


Collection personnelle

Du 1er octobre 1912 au 10 juin 1913, il participe aux opérations dans le Maroc occidental en guerre (combat de Ber Mezoui, de Bosna Aïssane, de Casbah Tadla, d’Aïn Zerga, de Keliba, etc.). Il passe dans la réserve le 20 mai 1914 avec un certificat de bonne conduite. Mais il est rappelé par décret du 1er août 1914. C’est la Mobilisation générale.

Deuxième Acte.
Marcel Alfred François participe aux opérations contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie du 2 août 1914 au 10 février 1919, d’abord au 17ème régiment d’artillerie puis dans divers autres régiments d’artillerie. Mais en avril 1917, considéré comme soutien de famille à la suite de la mort de son frère Louis au combat, il est envoyé à l’arrière. Et le 17 décembre de la même année, les familles étant un peu rassurées sur son sort, lors d’une permission, il épouse ma grand-mère Denise Jeanne Galmiche. Puis le 10 février 1919, il est classé affecté spécial à la 9ème section de chemins de fer de campagne, subdivisions complémentaires, en qualité d’homme d’équipe en fonction à la Compagnie de l’Est à Lure (Haute Saône) où il restera jusqu’en février 1923. Il est ensuite versé dans la réserve de l’armée territoriale au 40ème régiment d’artillerie légère, sans affectation, jusqu’au 1er septembre 1927. Il ne sera finalement dégagé de toutes obligations militaires que le 20 mai 1938 ! Cette carrière militaire représente au total 30 ans de la vie de mon grand-père, dont plus de 10 ans dans l’armée active !

Passons maintenant à la petite histoire. J’ai une photo de mon grand-père en uniforme de dragon. Il avait fière allure, avec le casque rutilant dont s’échappait une queue de cheval. 


Collection personnelle

L’apprentissage de l’équitation n’avait pas été facile. Les premiers temps, au bout de longues heures d’entraînement, à cause du frottement de la selle, il avait les fesses en sang ! Plus important, peut-être, mon grand-père a appris à aimer les chevaux. En fin de journée, si fatigués qu’ils soient, les soldats devaient avant toute chose s’occuper de leur cheval, le bouchonner avec une poignée de paille pour essuyer la sueur, poser sur son dos une couverture, lui donner à boire et à manger. Alors, et seulement alors, ils pouvaient enfin penser à eux-mêmes. Le dragon conservait toujours son cheval. Mon grand-père avait reçu une jument et il s’y était attaché profondément.

Pendant qu’il était en garnison à Lure (Haute Saône) avec son régiment de dragons, sa mère, Maria, qui voulait aller le voir de temps en temps, lui a demandé de chercher une chambre à louer chez l’habitant. Mon grand-père a trouvé une famille qui acceptait de lui louer une chambre pour un prix modeste et Maria est venue à Lure pour voir son fils. Dans cette famille franc-comtoise de six enfants, il y avait une jeune fille charmante, Denise Galmiche, âgée de treize ans, qui portait encore des nattes. On était en 1911. Mon grand-père avait 21 ans. Pendant ses permissions, il venait voir la famille Galmiche, chez qui sa mère avait pris pension. Il n'était pas insensible au charme de la jeune fille. Quelques années ont passé. Puis la guerre a éclaté. Il a été envoyé au front. Il a envoyé à sa mère une carte-photo, prise chez le photographe. Il posait de biais et Maria a remarqué que l’un de ses bras était caché. Elle a cru qu’il avait été amputé ! En réalité, son fils avait juste été légèrement blessé à la poitrine par un éclat d’obus. Marcel a été envoyé en convalescence à Lure et il a retrouvé la jeune Denise. Puis, son frère Louis ayant été tué au combat en Argonne, mon grand-père a été envoyé à l’arrière. Et le 17 décembre 1917, pendant une permission, Marcel François, 27 ans, a épousé Denise Galmiche, 20 ans, à Lure. Neuf mois plus tard, naissait une petite fille, Marcelle (ma mère)…   



jeudi 9 octobre 2014

Portraits d'ancêtres

Le généathème proposé par Sophie Boudarel ce mois-ci nous suggère de brosser des portraits d’ancêtres d’après une photo.

Je vais vous présenter un couple : l’oncle Georges François (mon grand-oncle côté maternel) et sa femme, la tante Marie. Georges Charles Jean Baptiste est né le 19 janvier 1878 à Prémont, arrondissement de Saint Quentin (Aisne). C’était le premier enfant de Maria Eugénie Marie Rose HAMET, âgée de 18 ans. Georges était un enfant naturel que Maria avait eu d’un homme marié. Pour étouffer le scandale, l’année suivante, le 12 avril 1879, à Prémont, Maria a épousé Louis Xavier Victor François, et celui-ci a généreusement accueilli le petit Georges comme son propre fils. L’enfant a été légitimé par le mariage de Maria avec Louis, et Georges HAMET a pris le nom de Georges François.

Georges était le premier enfant d’une longue série. Chaque année, Maria tombait enceinte. J’ai compté 16 enfants nés viables (dont des jumeaux qui n’ont vécu que quelques semaines) et deux enfants morts-nés. Les conditions de vie devaient être dures car l’un après l’autre ces enfants mouraient en bas âge. Maria, fatiguée par ses grossesses successives, n’avait sans doute pas assez de lait pour les nourrir convenablement. De tous ces enfants, n’ont survécu, hélas, que Georges, Jeanne, Marcel (mon grand-père), Flora et Damien.

Marie Angéline LETHIEN (tante Marie) est née le 15 janvier 1880 à Gauchy, arrondissement de Saint Quentin (Aisne). Elle était la fille de Charles Ferdinand LETHIEN, manouvrier, et de Marie Reine Victoire BERNARD. Marie était la 6ème et dernière enfant de la famille. J’ai bien connu tante Marie. C’était une femme active, coquette, bavarde et rigolote. Elle était une bonne cuisinière et avait travaillé plusieurs années comme bonne à tout faire dans un café-restaurant à Paris. Elle n’avait pas fait d’études. A cette époque, à la campagne, l’assiduité à l’école n’était pas trop strictement exigée, surtout pour les filles. Tante Marie avait travaillé, très jeune, dans les champs de betteraves au lieu d’apprendre l’orthographe. Devenue adulte, et entrée dans notre famille par son mariage, elle nous envoyait des lettres gentilles et amusantes, mais bourrées de fautes. C’était écrit phonétiquement (comme aujourd’hui les SMS) dans un style parlé très vivant.

Tante Marie et oncle Georges avant la guerre
(collection personnelle) 

Sur la première photo, qui date d’avant la guerre, Marie et Georges sont debout devant un décor de verdure, comme on les représentait à l’époque chez les photographes. Georges appuie sa main gauche sur un petit guéridon. Ils sont tous les deux plutôt corpulents. Sur la seconde photo, prise après la guerre (je n’ai malheureusement pas la date exacte), ils ont bien changé. Le visage amaigri, plus minces de corps, je les trouve plus beaux, selon nos critères actuels. Ma grande-tante Marie est assise dans un fauteuil en bois sculpté et l’oncle Georges (que je n’ai pas connu car il est mort à l’âge de 49 ans) est debout à côté d’elle, la main posée sur le dos du fauteuil. Je crois qu’il tient une cigarette dans son autre main. Ils ont encore des cheveux bien noirs. On est en 1918 ou 1919. Marie a 38 ans et Georges 40 ans.



L’oncle Georges est mort prématurément d’une maladie infectieuse, le charbon, le 5 janvier 1927 à Paris (à l’hôpital Saint Joseph). Il allait avoir 49 ans deux semaines plus tard. Le couple n’avait pas pu avoir d’enfants.

Tante Marie a survécu à son époux de longues années. Elle ne s’est jamais remariée. Elle est morte dans son petit appartement parisien le 11 janvier 1968, âgée de 87 ans. Elle avait été veuve pendant 41 ans...





jeudi 2 octobre 2014

Recherches généalogiques au Japon (2)

Lors de mon entretien généalogique avec ma belle-mère, j’avais tenté de remonter à la génération précédente. Cela s’est avéré beaucoup plus difficile que prévu. Alors que, personnellement, j’ai connu mes arrière-grands-parents, qu’on m’en a parlé, et que j’ai pu retrouver facilement leurs actes de naissance, de mariage et de décès, il n’en est pas de même pour mon mari. Interrogée, ma belle-mère ne savait pas grand-chose sur ses propres grands-parents. Elle n’avait pas gardé de papiers. En effet, les maisons japonaises traditionnelles, construites en bois, n’ont qu’une durée de vie limitée (vingt ans au maximum). Passé ce délai, on les démolit et on en reconstruit une neuve sur le même emplacement. En outre, mon beau-père, qui était proviseur, avait été muté souvent, de sorte que la famille avait déménagé treize fois !

La maison de ma belle-mère, à Kamakura

A chaque déménagement, et lors de la reconstruction de leur maison, ma belle-mère devait mettre toutes leurs affaires dans des cartons. C’était l’occasion de faire du tri et de jeter les choses inutiles. Elle ne se souvient pas si elle a gardé des papiers de famille. En tous cas, elle ne sait pas où. Peut-être les retrouvera-t-on un jour ? Je n’en suis pas convaincue…

J’ai donc fait appel à sa mémoire.
Son grand-père côté paternel (le père de Yazô Yoshida) s’appelait Kuroki. Il était samouraï et originaire de Fukuoka (île de Kyushu). Comme il n’était pas l'aîné de la famille, il ne pouvant pas hériter. Alors, selon la coutume, il a racheté son titre à un samouraï ruiné sans descendance et a pris le nom de Yoshida. C’est tout ce qu’elle a pu me dire de lui. On ignore sa date de naissance, le nom de sa femme, etc.

Un samourai : Yodo Yamauchi (Wikimedia Commons)


Du côté maternel (le père de Tei Okamoto), Okamoto était précepteur de la famille du seigneur Yamanouchi (ou Yamauchi, le "no" étant une particule "de") qui s'était rallié au shogun Tokugawa, lequel lui avait demandé de surveiller la région de Shikoku. Okamoto suivait donc son maître dans tous ses déplacements. J’ai demandé à mon mari de regarder sur Internet. Il n’a pas trouvé ce qu’il cherchait mais, comme cela arrive souvent, il a trouvé autre chose ! 

Un certain Taketo Tomono (1914-1999) né à Hiroshima, cousin du grand-père Yazô Yoshida de Kichijôji (en fait, Yoshida est un nom acheté, mais ce sont des descendants de la branche Tomono). Ce cousin a été l’artisan de la création de l’assurance médicale au Japon (1944) pendant qu’il était un haut fonctionnaire du Koseisho, le Ministère de la Santé. Ensuite, il a été député et préfet de Chiba de 1963 à 1975.

Quant à la branche Suzuki, le père de Moto Suzuki s’appelait Kumakichi Suzuki, né en 1866, cultivateur, décédé à Kamifunabara en 1928 et sa mère Hiro, née à Yugashima, préfecture de Shizuoka. Elle avait été orpheline de bonne heure et vivait chez son beau-père, Tarô Asada. Elle est décédée en 1948. Ma belle-mère m’a raconté qu’elle avait apporté comme dot pour son mariage ses « tansu » (commodes pour les vêtements) à Kamifunabara, et elle m’en a montré une qu’elle a soigneusement conservée en souvenir. Il ne faut pas oublier qu’au Japon, la femme, en se mariant, quittait son père et sa mère et allait vivre chez ses beaux-parents. Cela n’allait pas toujours sans difficultés, certaines belles-mères étant acariâtres et autoritaires. Mais dans le cas de Madame Suzuki, j’ai compris qu’elle avait entretenu de bonnes relations avec sa belle-mère, qui est d’ailleurs revenue vivre chez elle à la fin de son existence, dans une petite maison de bois au bout du jardin (hanaré).

La petite maison "hanaré" au bout du jardin