jeudi 28 août 2014

Par où commencer ?

Mon père avait griffonné au crayon sur une feuille de papier une ébauche d’arbre généalogique sur 4 générations. Ce fut mon point de départ. Il manquait des dates, des lieux et des prénoms. Pour mes parents, il ne s’agissait pas de généalogie à proprement parler. Ils voulaient simplement me transmettre les noms des personnes de la famille qu’ils avaient connues (parmi les plus âgés, un arrière-grand-père champenois, garde-champêtre, et une arrière-grand-mère picarde, qui avaient vécu au-delà de 80 ans) ou les noms des ancêtres dont ils avaient entendu parler. Ma curiosité était piquée. Qui étaient ces gens sur lesquels on m’avait occasionnellement raconté des anecdotes ? Je ne savais pratiquement rien d’eux, et je ne pouvais pas interroger mes parents depuis le Japon. Comment faire ?

C’est alors que j’ai découvert (c’était en 2010) que les archives départementales de la Seine et Marne avaient mis en ligne leurs registres d’état civil. Je n’imaginais pas à quel point cela me permettrait d’avancer mes recherches. Je me suis également inscrite sur Geneanet. J’ai passé quelques coups de téléphone à des cousins. Mais j’ai très vite compris la limite des informations orales. Ma grand-mère, que tout le monde croyait née à Vertus, dans la Marne (ou à Bergères-les-Vertus, un village voisin), était née en réalité à Villeneuve-Renneville-Chevigny, une commune proche. Je l'ai découvert par la suite sur une copie de son livret de famille, que m'a envoyée mon cousin. Comme les archives de la Marne (côté paternel) et de la Haute Saône (du côté maternel) n’étaient pas en ligne, j’ai dû me contenter, pour commencer, d’étudier la branche paternelle briarde. J’étais très émue quand j’ai trouvé l’acte de naissance de mon arrière-grand-père Marie Nicolas, né à Verneuil-l’Etang. L’écriture manuscrite était belle, penchée, régulière. Quel plaisir de lire un tel document !

Archives départementales de la Seine et Marne


Je n’avais aucune méthode. Je furetais, je cherchais à droite et à gauche, comme un chien de chasse, le nez au sol. Je notais, quand même, mes trouvailles sur un cahier. Comme dans un roman policier, je suivais une piste. Je notais des indices, de faux témoignages (erreurs dans les actes d’état civil). Je me prenais pour un détective… C'est cela, la généalogie ! Et cela continue. J’ai l’impression de me trouver devant un immense puzzle, dont il faut que je place correctement les morceaux pour obtenir une image nette. Mais il manque des morceaux !

Quand j’ai raconté que je me mettais à la généalogie, certaines personnes m’ont dit que leur généalogie était déjà entièrement faite. Les pauvres ! C’est bien triste ! Plus que le résultat, en généalogie, ce qui compte, c’est le chemin parcouru, les obstacles surmontés, les blocages débloqués, les erreurs traquées. Le plaisir de la découverte est à la mesure des efforts déployés.

Je ne cherche pas des ancêtres célèbres. Je suis issue d’une famille très modeste, mes grands-parents étaient pauvres, certains de mes aïeuls ont vécu misérables, indigents, secourus par la charité. Longtemps, pour ces hommes de la campagne sans terres, travaillant pour les autres, chez les autres, l’ascenseur social n’a pas fonctionné. Ils ont travaillé dur de leurs mains, souvent simples domestiques, journaliers ou manouvriers, sans qualifications, sans métier. Et tous, inexorablement, ont quitté leur campagne et se sont rapprochés de Paris, génération après génération, dans l’espoir d’une vie meilleure.

Une amie japonaise m’a raconté qu’elle avait pu remonter dans l’histoire de sa famille (c’est une exception) jusqu’à un ancêtre samourai. Elle en était fière. Pourtant, ces guerriers professionnels d’élite au service d’un seigneur féodal, s’ils recevaient des honneurs, étaient souvent fort pauvres. Très fiers, ils ne montraient pas leur dénuement, mais un proverbe en fait foi : « Le samouraï n’a rien mangé, mais il se cure les dents ». Il voulait faire illusion.



Ryoma Sakamoto (collection personnelle)

Une de mes amies françaises, dont l’histoire familiale est compliquée, faite d’abandons et d’enfants naturels, ne s’intéresse pas à la généalogie. Elle a peut-être honte de ses origines ? Pourtant, elle n’y est pour rien ! Certaines ont abandonné leurs recherches après la révélation d’un enfant de père inconnu, qui rend impossible de remonter cette branche. Nous en avons tous ! Pour ma part, malgré les déceptions, la découverte de filles-mères (comme on disait autrefois), de pères absents ou disparus, je chéris cette famille qui est la mienne, qui s’est battue au milieu de ses difficultés matérielles pour vivre, et même survivre. Elle m’a donné envie de relire Balzac et Victor Hugo, et de m’intéresser enfin à l’Histoire (que je détestais à l’école). Il y a un commencement à tout !



4 commentaires:

  1. Chère Nicole, quel joli article. Que je suis contente que Dominique vous ait donné envie d'écrire votre expérience de la généalogie, vous lire est un bonheur.

    RépondreSupprimer
  2. Merci, Brigitte, pour ce commentaire flatteur. Nous aurons, j'espère, l'occasion de nous rencontrer bientôt (peut-être à Géné@2014 aux archives nationales fin septembre ?).

    RépondreSupprimer
  3. Très bel article, très agréable à lire.

    RépondreSupprimer
  4. Oui, Nicole, continue sans hésitation à nous régaler de tes billets. Tu dis que tu as rencontré des personnes dont la généalogie était entièrement faite ?!? comment est-ce possible ? je croyais pour ma part que la généalogie était une histoire sans fin…

    RépondreSupprimer