Mon père avait griffonné au crayon sur
une feuille de papier une ébauche d’arbre généalogique sur 4 générations. Ce
fut mon point de départ. Il manquait des dates, des lieux et des prénoms. Pour
mes parents, il ne s’agissait pas de généalogie à proprement parler. Ils
voulaient simplement me transmettre
les noms des personnes de la famille qu’ils avaient connues (parmi les plus âgés,
un arrière-grand-père champenois, garde-champêtre, et une arrière-grand-mère picarde,
qui avaient vécu au-delà de 80 ans) ou les noms des ancêtres dont ils avaient entendu parler. Ma
curiosité était piquée. Qui étaient ces gens sur lesquels on m’avait occasionnellement
raconté des anecdotes ? Je ne savais pratiquement rien d’eux, et je ne
pouvais pas interroger mes parents depuis le Japon. Comment faire ?
C’est alors que j’ai découvert
(c’était en 2010) que les archives départementales de la Seine et Marne avaient
mis en ligne leurs registres d’état civil. Je n’imaginais pas à quel point cela
me permettrait d’avancer mes recherches.
Je me suis également inscrite sur Geneanet. J’ai passé quelques coups de
téléphone à des cousins. Mais j’ai très vite compris la limite des informations orales.
Ma grand-mère, que tout le monde croyait née à Vertus, dans la Marne (ou à
Bergères-les-Vertus, un village voisin), était née en réalité à
Villeneuve-Renneville-Chevigny, une commune proche. Je l'ai découvert par la suite sur une copie de son livret de famille, que m'a envoyée mon cousin. Comme les archives de
la Marne (côté paternel) et de la Haute Saône (du côté maternel) n’étaient pas
en ligne, j’ai dû me contenter, pour commencer, d’étudier la branche paternelle
briarde. J’étais très émue quand j’ai trouvé l’acte de naissance de mon
arrière-grand-père Marie Nicolas, né à Verneuil-l’Etang. L’écriture manuscrite était belle, penchée, régulière. Quel plaisir de lire un
tel document !
Archives départementales de la Seine et Marne
Je n’avais aucune méthode. Je furetais,
je cherchais à droite et à gauche, comme un chien de chasse, le nez au sol. Je notais, quand même, mes trouvailles sur un cahier. Comme dans un roman
policier, je suivais une piste. Je notais des indices, de faux témoignages
(erreurs dans les actes d’état civil). Je me prenais pour un détective… C'est cela, la généalogie ! Et cela continue. J’ai l’impression de me trouver devant un immense
puzzle, dont il faut que je place correctement les morceaux pour obtenir une
image nette. Mais il manque des morceaux !
Quand j’ai raconté que je me mettais à
la généalogie, certaines personnes m’ont dit que leur généalogie était déjà
entièrement faite. Les pauvres ! C’est bien triste ! Plus que le
résultat, en généalogie, ce qui compte, c’est le chemin parcouru, les obstacles surmontés, les blocages débloqués, les erreurs traquées. Le
plaisir de la découverte est à la mesure des efforts déployés.
Je ne cherche pas des ancêtres
célèbres. Je suis issue d’une famille très modeste, mes grands-parents étaient
pauvres, certains de mes aïeuls ont vécu misérables, indigents, secourus par la
charité. Longtemps, pour ces hommes de la campagne sans terres, travaillant
pour les autres, chez les autres, l’ascenseur social n’a pas fonctionné. Ils
ont travaillé dur de leurs mains, souvent simples domestiques, journaliers ou
manouvriers, sans qualifications, sans métier. Et tous, inexorablement, ont
quitté leur campagne et se sont rapprochés de Paris, génération après
génération, dans l’espoir d’une vie meilleure.
Une amie japonaise m’a raconté qu’elle
avait pu remonter dans l’histoire de sa famille (c’est une exception) jusqu’à
un ancêtre samourai. Elle en était
fière. Pourtant, ces guerriers professionnels d’élite au service d’un seigneur
féodal, s’ils recevaient des honneurs, étaient souvent fort pauvres. Très
fiers, ils ne montraient pas leur dénuement, mais un proverbe en fait foi :
« Le samouraï n’a rien mangé, mais il se cure les dents ». Il voulait
faire illusion.
Une de mes amies françaises,
dont l’histoire familiale est compliquée, faite d’abandons et d’enfants
naturels, ne s’intéresse pas à la généalogie. Elle a peut-être honte de
ses origines ? Pourtant, elle n’y est pour rien ! Certaines ont
abandonné leurs recherches après la révélation d’un enfant de père inconnu, qui
rend impossible de remonter cette branche. Nous en avons tous ! Pour ma
part, malgré les déceptions, la découverte de filles-mères (comme on disait
autrefois), de pères absents ou disparus, je chéris cette famille qui est la
mienne, qui s’est battue au milieu de ses difficultés matérielles pour vivre,
et même survivre. Elle m’a donné envie de relire Balzac et Victor Hugo, et de
m’intéresser enfin à l’Histoire (que je détestais à l’école). Il y a un
commencement à tout !
Chère Nicole, quel joli article. Que je suis contente que Dominique vous ait donné envie d'écrire votre expérience de la généalogie, vous lire est un bonheur.
RépondreSupprimerMerci, Brigitte, pour ce commentaire flatteur. Nous aurons, j'espère, l'occasion de nous rencontrer bientôt (peut-être à Géné@2014 aux archives nationales fin septembre ?).
RépondreSupprimerTrès bel article, très agréable à lire.
RépondreSupprimerOui, Nicole, continue sans hésitation à nous régaler de tes billets. Tu dis que tu as rencontré des personnes dont la généalogie était entièrement faite ?!? comment est-ce possible ? je croyais pour ma part que la généalogie était une histoire sans fin…
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